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Chapitre 1
Cela fait quatre mois que je sors avec Louis. Quand je l’ai rencontré, à cette fête universitaire dans un bar du centre-ville de Montréal, je ne pensais pas que ça pourrait devenir sérieux entre lui et moi. Son univers me paraissait si loin du mien! Il terminait une maîtrise en marketing et s’est pointé à cette soirée parce qu’il avait besoin de voir des gens pour ne pas devenir fou. Moi, j’en avais juste assez de passer ma vie à étudier. J’avais envie de m’amuser, de danser et de me défouler. Comme la plupart des filles, je l’ai tout de suite remarqué. Rien d’étonnant. Louis est beau, grand, musclé et il s’habille avec goût. Il attire tous les regards. Parfois, il me semble tout droit sorti d’un de ces soaps américains que je regardais avec ma mère, l’après-midi. Ses cheveux sont noirs. Ses yeux aussi. Et il a une petite fossette qui se creuse quand il sourit.
Un prince charmant, en quelque sorte.
Dès que ses yeux se sont posés sur moi, j’ai senti que je lui plaisais. Il n’a pas hésité à venir me parler. Il paraissait être un garçon qui n’a pas l’habitude qu’on lui dise non. Et je ne l’ai pas fait non plus. Ç’aurait pu être une passade ou une nuit sans lendemain, mais contrairement à ce que je croyais, Louis est quelqu’un de gentil, de fidèle, d’engagé. C’est un romantique aussi. Il est du genre à venir m’attendre à la fin de mon cours ou à la sortie du magasin où je travaille juste pour me raccompagner chez moi. Il m’emmène des croissants ou des fleurs, sans raison, juste pour me charmer. Et ça fonctionne!
Bref… il est parfait.
Aujourd’hui, je rencontre ses parents. Ça me met dans tous mes états. Je change trois fois de robes, je remonte mes cheveux pour que ça fasse plus sérieux et j’enlève un peu de maquillage pour éviter d’avoir l’air d’une fille facile. Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de recette? Je n’ai jamais rencontré les parents d’un garçon, moi!
— Arrête de t’en faire, tu es belle comme tout! Me certifie-t-il.
Il a ce petit sourire en coin que j’adore, mais je vérifie à nouveau mon reflet. Il fait chaud pour le mois de juin, mais je devrais peut-être mettre une robe qui a autre chose que des bretelles? Est-ce qu’on voit trop ma poitrine? Quand je retourne me poster devant le peu de vêtements que je possède, Louis soupire.
— Cette robe est parfaite, Elsa!
Peut-être, mais j’en doute. En fait, je doute de tout. Est-ce que je dois mettre des souliers à talons? Dans un soupir, je dis :
— Je voudrais que tes parents m’aiment.
— Ils vont t’adorer! Me promet-il. C’est obligé, parce que moi, je t’aime!
Sa plaisanterie me laisse de marbre. Il n’a jamais vu de films ou quoi? C’est généralement l’inverse qui se produit. Il est courant que la mère refuse la petite amie de son fils, non? Même si je ne les ai pas encore rencontrés, je sais qu’ils habitent à Westmount. C’est donc qu’ils sont riches. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien aimer d’une fille comme moi? Je n’ai rien du tout! Et je suis tellement différente de leur fils!
— Tu es sûr que je dois les rencontrer? Demandé-je.
Il éclate de rire, comme si mes craintes lui semblaient ridicules.
— Tu t’en fais vraiment pour rien. Ma mère attend ce moment depuis des mois, Elsa.
C’est bien ce qui m’effraie. Louis a dû leur dire que j’étais spéciale. Mais je ne vois pas en quoi!
Il vient se coller à moi par-derrière pour sourire à mon reflet.
— Tu es parfaite, Elsa. Cesse de t’en faire. Tu verras. Mes parents sont super cool.
Jamais je n’ai autant souhaité qu’il dise la vérité. Par précaution, je prends une veste, puis je me décide à le suivre dans sa voiture décapotable où je démarre un véritable interrogatoire :
— Rappelle-moi ce qu’ils font dans la vie.
Même s’il m’en a déjà parlé, on dirait que j’ai du mal à me souvenir de tous les détails. Je ne veux rien laisser au hasard.
— Ma mère est femme au foyer, mais elle s’occupe de plein d’associations qui viennent en aident aux démunis, me raconte-t-il. Quand elle n’est pas à la maison, à cuisiner ou à jardiner, elle fait des levées de fond, des galas de charité, ce genre de choses…
Sa mère est une femme parfaite, en somme. J’essaie de me remémorer ce que je connais sur le jardinage. Pas beaucoup. Est-ce que ça peut jouer contre moi?
— Quant à mon père, il a une entreprise de consultants qui gèrent les chantiers de construction. Il travaille beaucoup. Tout le temps, en fait.
Ça, je m’en rappelais, parce que Louis travaille pour lui. Il a terminé sa maîtrise pour prouver aux autres employés qu’il n’est pas uniquement le fils du patron. Qu’il a une formation et donc, qu’il pourra prendre le relais quand son père sera à sa retraite.
— Il a quel âge?
— 49. Je le sais parce que ma mère est déjà en train d’organiser son cinquantième anniversaire qui n’aura lieu qu’en décembre. La connaissant, elle va louer un hôtel et inviter tout le monde.
Je ne partage pas le rire de Louis. Louer tout un hôtel pour un simple anniversaire? Une chose est sûre, nous ne venons pas du même monde!
Chapitre 2
Quand Louis se stationne devant une immense maison, mon anxiété remonte d’un trait. C’est un château. Ou alors un manoir. Une chose est sûre, c’est plus grand que tout ce que j’imaginais.
— Je ne peux pas rentrer là-dedans, chuchoté-je.
Il défait sa ceinture de sécurité et se penche vers moi pour me rassurer :
— C’est juste une maison, Elsa.
— Non, ça c’est… un château.
— Ça reste une maison. Et ne juge pas mes parents à la taille de leur baraque, OK? Ce sont des gens simples, tu verras.
Des gens simples? Cette fois, un rire m’échappe, mais il est tout sauf léger. Je suis terrifiée. Je n’ai rien à faire dans un lieu comme celui-ci. Moi qui voulais juste un gars gentil qui a une famille apte à m’offrir celle que je n’ai jamais eu.
Mais ça?
— Ils vont t’adorer, me répète-t-il.
Je voudrais y croire, mais ça me paraît impossible. Qu’est-ce qu’ils aimeront chez moi? Je n’en ai pas la moindre idée!
— Ils vont voir que je suis une fille normale, lui indiqué. Je n’ai rien d’intéressant!
— Tu es une fille sérieuse, travaillante, déterminée, me contredit-il, et magnifique aussi.
Il guide ma main vers sa bouche pour en embrasser le revers.
— Je suis fou de toi, Elsa, et crois-moi : je ne doute pas une seconde que mes parents vont t’accepter comme il se doit.
Je sais qu’il tient à cette rencontre. Il m’en parle depuis des semaines! Sa mère n’a de cesse de lui demander quand elle pourra enfin me rencontrer. Je crois même que c’est la première fois qu’il leur présente une fille. Quelle pression! Je ne pensais pas que ça pouvait être aussi stressant de rencontrer les parents de son chum!
— J’ai l’impression d’avoir rencontré le prince charmant, dis-je tout bas.
Le sourire de Louis s’illumine et je viens caresser sa petite fossette de mon pouce. Qu’est-ce qu’il est beau! Comment ai-je pu avoir autant de chance?
Lorsque la porte du château devant lequel nous sommes garé s’ouvre, je retiens ma respiration. Une femme blonde, grande et élancée en sort. La mère de Louis. Elle est magnifique. Beaucoup plus jeune que je ne l’imaginais, d’ailleurs. Louis s’empresse de venir m’ouvrir la portière, puis me présente :
— Maman, voici Elsa. Elsa, voici ma mère, Ambre.
— Madame Lalonde, la salué-je.
Elle descend les marches et pose ses mains sur mes épaules afin de me voir de plus près.
— Louis n’a pas menti. Tu es belle comme tout! Et appelle-moi Ambre, voyons! Nous sommes en famille, ici.
Ses mots me touchent. La famille, pour moi, c’est ma mère. Elle m’a élevée seule, dans un tout petit appartement. Elle habite à Gatineau où elle a récemment emménagé avec son nouveau petit ami. Depuis que je suis partie de chez elle, c’est à peine si elle s’intéresse à moi. Elle vit son histoire d’amour comme si je n’existais plus. Autant dire que je suis pratiquement seule au monde. Enfin… sauf depuis que Louis est dans ma vie. Lui, il s’intéresse à moi. À mes études. À ce que j’aime aussi. Et il a une vraie famille. Avec un père, une mère, une maison grandiose dans un quartier chic de Montréal. Il ne manque que des frères, des sœurs et un chien pour couronner le tableau! Mais je serais bien bête de m’en plaindre!
J’ai envie de me pincer!
— Mon mari ne va pas tarder, reprend Ambre. Il travaille sans arrêt, celui-là. Je crois qu’il voulait prendre une douche avant que vous n’arriviez. Ah! Le voilà, justement!
Du haut des marches, un homme apparaît et descend l’escalier avec aisance, presque en dansant. Je le suis du regard, étonné par son allure. Cet homme a 49 ans? Il est beau. Grand. Assez musclé pour que je remarque la façon dont son chandail griffé moule son torse, mais c’est peut-être parce qu’il s’est douché, justement. Il a une coupe parfaite, une petite barbe de quelques jours, quelques touches de blanc au niveau des tempes. Je ne pensais pas qu’un homme de cet âge pouvait être plus beau que celui qui m’accompagne. On dirait un mannequin.
— Voici donc la fameuse Elsa.
Il emprisonne la main que je lui offre entre les siennes sans me quitter des yeux.
— Bonjour, dis-je tout bas.
Il me sourit et j’ai la sensation qu’il essaie de sonder mon âme. Gênée des pensées qui ont traversées mon esprit en l’apercevant, je me sens rougir.
— Je suis Samuel. Bienvenue chez nous, Elsa.
Quand il relâche ma main, je souris timidement.
— Merci, monsieur.
Il plisse les yeux et me rappelle aussitôt à l’ordre :
— Appelle-moi Samuel. J’insiste.
— Samuel alors, répété-je.
Visiblement satisfait, il nous fait signe d’entrer.
— Mais ne restez pas là! Entrez!
Louis glisse un bras derrière mon dos pour me guider vers l’intérieur et je chasse mon malaise pour observer autour de moi. Cette maison est grandiose. L’entrée a une petite cascade d’eau en plein centre. Mais qui installe ce genre de choses dans sa maison? Les meubles sont en bois, immenses et imposants. La taille de salle à dîner que nous traversons est plus grande que mon appartement tout entier. Et dire que je trouvais que Louis avait un super appart!
Au lieu de nous installer dans le séjour, Samuel nous invite derrière, à l’extérieur, dans une zone à l’ombre, près d’une cour bordée d’arbres. Je remarque le jardin et la piscine, tout au fond. Seigneur! Cette maison est un vrai paradis!
— Tu as l’air impressionnée, Elsa, constate Samuel.
Je rougis lorsque je cesse de regarder tout autour de moi.
— Euh… oui. Pardon. C’est que… je n’ai jamais vu une maison aussi grande, en fait.
Tout le monde rit sauf moi.
— En fait, tout ça, c’est le domaine d’Ambre, explique Samuel. Moi, tant que j’ai un garage pour mes voitures et un bureau où je peux travailler sans être dérangé, le reste m’importe peu.
— Sam travaille tellement! reprend son épouse. Il fallait bien que je m’occupe!
Elle se met à me parler de ses activités que je connais en partie grâce à son fils : organisation de galas de charité, confection de gâteaux pour des levées de fond afin d’aider les écoles défavorisées, ce genre de choses. Je l’écoute en clignant de yeux, étonnée par tout ce qu’elle fait!
— Vous ne semblez pas vous ennuyer, dis-je.
— Je déteste ne rien faire, m’avoue-t-elle. Et j’aime me sentir utile.
Sur ça, je la comprends. Je suis un peu pareille.
— Tu verras, c’est un véritable cordon bleu, soutient Samuel. Elle était tellement contente que Louis emmène une fille à la maison qu’elle a préparé un festin pour l’occasion!
Même si je souris, je sens que ça coince au niveau de ma gorge. On dirait que je ne cadre pas dans ce décor parfait. N’est-il pas d’usage qu’un homme choisisse une femme qui a certaines qualités similaires à celle de sa mère? Je commence à craindre le pire. Je n’arriverai jamais à la cheville de cette femme!
— Ce n’était pas nécessaire, chuchoté-je.
— Bien sûr que oui! insiste Ambre. Ce n’est pas tous les jours que mon fils emmène une fille à la maison. C’est même la première fois!
Qu’elle le dise m’angoisse. Est-ce qu’elle essaie de me souligner que c’est sérieux entre Louis et moi? Je l’espère, évidemment, mais les choses me paraissaient tellement plus simples quand nous étions dans mon lit à regarder Netflix.
Dès que Samuel se lève pour aller chercher l’apéritif, Ambre l’imite pour nous apporter de quoi grignoter. Je profite d’être seule avec Louis pour chuchoter :
— Tu aurais pu me dire que tes parents étaient aussi riches!
— Pourquoi?
— Parce que… je ne sais pas où me mettre!
Tout compte fait, j’aurais dû choisir un tailleur. Ou m’en acheter un plus classe. Je porte une robe, certes, mais elle est toute simple! Je pensais rencontrer les parents de mon chum, moi! Pas des gens qui habitent un château!
— Ne t’en fais pas avec ça, me rassure-t-il. Ils sont contents de te voir! Depuis le temps qu’ils espèrent que j’emmène une fille! Ils commençaient à croire que j’étais gai!
Je lui fais de gros yeux. Est-ce qu’il se moque de moi?
— Ils pensaient ça?
Il éclate de rire, nullement contrarié par la question.
— Va savoir!
Anxieuse, je demande :
— Mais pourquoi… tu n’as jamais emmené personne ici?
Il m’offre un sourire charmeur. Aussitôt, je constate qu’il lui vient de son père, celui-là.
— À ton avis?
Je déglutis, charmée. Comment faire autrement? Louis me fait vivre un véritable conte de fées! Je n’ai pourtant rien d’une princesse!
— Je voulais une femme avec qui je suis capable de me voir dans l’avenir, dit-il tout bas.
Sa main caresse ma joue et je savoure ce contact qui me rappelle à quel point je suis bien avec Louis.
— Je crois que je l’ai trouvé, Elsa.
Je fonds devant ses mots. Je songe même à l’embrasser, mais je me ravise quand ses parents reviennent. Samuel brandit fièrement une bouteille de champagne.
— J’ai sorti une excellente bouteille pour souligner ce grand jour!
À nouveau, je me sens rougir. J’essaie de ne pas être impressionnée par tout ce qui m’entoure, mais comment ne pas l’être? On m’offre du champagne, on prépare des bouchées délicieuses et j’ai la main de l’homme que j’aime bien calée dans la mienne.
Peut-être que le conte de fées est pour moi, ce coup-ci?
Chapitre 3
Tout est absolument parfait. Le repas est digne d’un grand restaurant. Ambre est une hôtesse exceptionnelle et Samuel s’assure que la discussion se poursuive. Il semble avide de me faire parler : de ma mère, de mes études, de mes rêves aussi…
— Elle veut devenir prof de littérature, lui raconte Louis.
— Je me souviens, oui! Tu nous en avais parlé! Rétorque Samuel à son fils. Et tu voudrais enseigner à quel niveau?
— Soit au CEGEP soit à l’université, réponds-je.
Il sourit.
— C’est un beau métier. Cela dit…
Il hésite avant de poursuivre :
— Il faut quand même être un peu masochiste pour aller parler de littérature à des gens qui ne savent pratiquement pas lire.
Tout le monde rit à nouveau, sauf moi. Je trouve ça réducteur comme définition, mais je me doute qu’il n’est pas le seul à penser cela.
— Et pour corriger des piles de dissertations aussi, ajoute-t-il.
Cette fois, je me permets de sourire. J’avoue que la correction risque d’être interminable, mais pour faire découvrir des œuvres passionnantes, n’est-ce pas un faible prix à payer?
Comme s’il percevait mon inconfort, Samuel me montre un petit écart entre ses doigts.
— Un tout petit peu masochiste, hein? Pas beaucoup.
Qu’il insiste me fait rire. Comment rester de marbre devant un sourire aussi charmeur? À ma droite, Louis vient caresser ma main.
— Elle sera géniale, affirme-t-il.
— Oh! Mais je n’en doute absolument pas! S’empresse de rétorquer son père. C’était pour plaisanter, évidemment! Il faut bien qu’il existe des gens capables d’allumer des passions chez tous ces jeunes obnubilés par leurs téléphones!
Cette fois, je me détends, touchée par la définition qu’il fait de mon métier, puis Samuel se penche pour m’offrir un regard amical.
— Je ne doute pas qu’Elsa a tout ce qu’il faut pour réaliser de tels exploits.
Je peine à me remémorer ses mots. Il parle de la littérature, hein? Pourquoi est-ce que j’ai la sensation qu’il y a un autre sens à ses paroles?
Aussitôt, Samuel s’empresse de me resservir un peu plus de vin. Je ne sais même plus combien j’en ai bu tellement il s’assure que mon verre reste toujours à la même hauteur. Et avec mon stress, j’ai dû en ingurgiter plus qu’il n’en faut. Il vaut mieux que je me calme avec l’alcool.
— Et il te reste encore combien de temps avant d’avoir ton diplôme? Me questionne Ambre.
— En fait, j’ai terminé ma scolarité, mais je dois faire deux stages en milieu professionnel et un rapport qui tiendra lieu de maîtrise. J’en ai déjà trouvé un dans un CEGEP pour septembre, mais il va me rester le second à trouver pour l’hiver prochain.
Elle me sourit.
— C’est bien! C’est même très très bien!
Je ne sais pas ce qui est bien, mais je suis heureuse d’être arrivée à la fin de ce parcours. Il était long, et cher aussi. Comme je suis sur les prêts et bourses, j’ai accumulé une dette non négligeable au fil des ans, mais je compte bien la rembourser dès que j’aurai un travail.
— J’ai quelques amis qui sont profs, m’informe Samuel. Si jamais tu cherches quelque chose de particulier pour ton deuxième stage, n’hésite pas.
Son offre m’étonne, mais elle me plaît.
— En fait, je vais déjà voir ce qui me plaît dans le premier avant de songer au second, mais j’aimerais bien tester quelque chose à l’université.
Samuel hoche la tête.
— Je vais garder l’œil ouvert.
— C’est gentil, papa, intervient Louis.
Dès que j’essaie de poursuivre mon repas, Ambre reprend :
— Tu n’as pas un emploi aussi? Il me semble que Louis nous disait que tu travaillais dans une boutique aussi?
J’avale ma bouchée rapidement pour pouvoir confirmer ses propos :
— Je suis caissière dans un magasin de jeux, oui. Maintenant, je connais plein de choses sur les cartes et sur les jeux de société, si jamais…
Ambre me sourit. Je suis gênée. Pas de travailler, non! Qui ne le fait pas? Mais je me sens à des années-lumière de ces gens! Pour sûr, ils diront à Louis que je ne suis pas faite pour lui! Qu’il mérite une femme qui vient d’une famille bien plus à l’aise que la mienne. Pourquoi est-ce qu’il a voulu me présenter à ses parents aussi? Tout est parfait ici! Il n’y a que moi qui ne cadre pas dans ce décor!
Même si je m’étais promis de ne plus boire, je reprends une autre gorgée de vin. Seigneur! Il est divin!
— Maman! Cette pintade est délicieuse! Indique Louis. Tu t’es vraiment surpassée!
— Je sais à quel point tu aimes cette recette, rétorque-t-elle, et je tenais à ce que tout soit parfait pour notre première rencontre avec Elsa.
Ses mots me touchent. Généralement, avec ma mère, nous mangeons devant la télé. Mais ici, c’est un vrai repas en famille, comme on en voit dans les films qui font chaud au cœur. Ce n’est même pas Noël! Et eux, ils font ça tous les dimanches!
— C’est vraiment délicieux, confirmé-je. Avec un tel talent, ça m’étonne que vous n’ayez pas un restaurant à vous!
Samuel rit et essuie sa bouche avec sa serviette avant de plonger un regard chaud sur moi.
— Je suis trop possessif pour ça. Les bonnes choses, je préfère les garder pour moi.
Même si Ambre et Louis partagent un rire, j’avoue être étonnée par ses propos, surtout quand il me fait un petit clin d’œil comme pour tourner ses paroles à la plaisanterie. Vu cette maison, je présume que son épouse n’a pas besoin de travailler, mais est-ce qu’il lui défend de le faire? Serait-il jaloux? Il faut dire qu’Ambre est magnifique, mais n’est-il pas séduisant, lui aussi?
— Et attendez de voir les desserts qu’elle nous a préparé, reprend Samuel. Elle s’est levée à l’aube pour tout cuisiner!
À nouveau, je me sens gênée et je m’empresse de dire :
— Il ne fallait pas vous donner autant de mal!
Ambre rit.
— Ne vous en faites pas. J’adore ça.
Dès qu’Ambre se lève pour débarrasser, je l’imite quand Louis s’empresse de m’indiquer de rester à ma place.
— Je vais le faire. N’oublie pas que tu es notre invitée.
Je retombe sur ma chaise, touchée par toutes ces attentions. Samuel se lève, disparaît à son tour, puis revient avec une autre bouteille de champagne. Encore de l’alcool? Heureusement que je ne conduis pas!
— Ce sera parfait avec le dessert, m’explique-t-il.
— J’ai déjà… bien trop bu, lui confié-je.
Au lieu d’en paraître contrarié, il émet un petit rire discret.
— Je suis sûr que Louis saura en profiter.
Je ne suis pas sûre de comprendre ses propos. Est-ce qu’il sous-entend que son fils pourra avoir du sexe à cause de mon état? Comme s’il avait besoin de ça!
— Au besoin, vous dormirez ici et puis voilà! Ajoute-t-il d’une façon toute naturelle.
Dormir dans ce château? L’idée me donne le vertige. Je n’ose même pas imaginer la taille des chambres… et des lits!
— Je suis content qu’il t’ait emmenée, poursuit-il avant de vider son verre de vin rouge. Nous étions impatients de découvrir quel genre de femme attirait notre fils.
Son préambule m’intrigue, et je l’observe pendant qu’il fait sauter le bouchon de la bouteille de champagne dans un « pop » discret, puis il ramène son regard sur moi.
— Je suis heureux de voir qu’il a beaucoup de goût. Tu es ravissante, Elsa.
Je sais que je devais le remercier, mais je suis troublée par son compliment. Ou alors par la façon dont il me regarde. Est-ce que je lui plais? Non! Et est-ce que ça ne devrait pas m’agacer qu’il soit aussi gentil avec moi? Pourquoi donc? C’est sûrement l’alcool qui me rend bête. Me raclant la gorge, je murmure :
— C’est gentil de dire ça.
— C’est pourtant la vérité, certifie-t-il.
Il se penche vers moi et son sourire se fortifie. Naturellement, je cesse de respirer. Seigneur! Il a vraiment un charme fou!
— Ne lui dis surtout pas, mais je m’attendais à ce qu’il nous emmène une petite idiote superficielle et sans intérêt. Je suis ravi que ce ne soit pas le cas.
Malgré moi, je me sens rougir devant un tel compliment. Alors je ne l’ai pas déçu? Me mentirait-il seulement?
— Eh bien… merci, bafouillé-je.
Il pointe mon verre de vin rouge.
— Termine-le avant qu’ils n’emmènent les desserts. Ce serait triste de gâcher un vin d’un tel calibre, tu ne penses pas?
Même si je me sens déjà ralentie par l’alcool, je m’exécute. Je ne doute pas que le vin qu’il nous a servi vaut cher. J’espère juste que je ne vais pas faire de bêtises avant la fin de cette soirée!
Chapitre 4
Les desserts d’Ambre sont des véritables œuvres d’art! Elle a fait des petites bouchées de mille-feuille, des fondants au chocolat et au caramel ainsi que des verrines avec de la mousse au chocolat. Chaque assiette est décorée de fruits frais et d’une crème chantilly faites maison.
C’est officiel! Je n’arriverai jamais à la cheville de cette femme!
— C’est trop beau pour être mangé, avoué-je.
— Ce serait dommage! Je suis sûr que c’est délicieux! Rétorque Samuel.
Il est le premier à porter un fondant à ses lèvres et il gémit en le savourant. Je crois que je suis saoule, parce que je l’observe pendant qu’il fait un bruit hautement suggestif en me demandant si c’est ainsi qu’il jouit. Sortant de ma contemplation, je m’empresse de vérifier du côté de Louis qui entreprend de déguster sa mousse au chocolat.
— Tu ne manges pas? Vérifie Ambre. J’espère que tu n’es pas au régime!
— Hein? Oh non!
Pour le lui prouver, je prends la verrine contenant la mousse pour y goûter. Je ferme les yeux quand le goût du chocolat explose dans ma bouche. Quand je reviens à la réalité, Ambre m’observe.
— C’est bon?
— C’est la meilleure mousse au chocolat que j’ai jamais mangé, avoué-je.
— Tant mieux!
Parce que nous mangeons tous, elle se décide à en faire autant, mais elle goûte à tout sans rien terminer. Peut-être est-ce elle qui est au régime? Ou peut-être n’a-t-elle simplement plus faim?
Alors que Samuel nous ressert en champagne, je lève la main pour lui dire que j’ai assez bu et Louis m’imite, mais son père insiste :
— Laissez-vous aller!
— Je conduis, papa, lui rappelle mon amoureux.
— Vous n’avez qu’à dormir ici et voilà!
Louis me questionne du regard. Il n’est pas sérieux?
— Mais… je n’ai pas de vêtements de rechange et… je travaille demain! Lui fais-je remarquer.
— Tu travailles à deux heures de l’après-midi, précise Louis. Ça nous donne le temps quand même! Et je te prêterai un t-shirt pour dormir.
Samuel rigole et remplit aussitôt le verre de son fils.
— C’est une excellente idée, mon fils. En plus, il fait bon, ce soir. Pourquoi on ne terminerait pas cette soirée à la piscine?
Devant mon air médusé, Louis insiste :
— Allez, Elsa! Ça ne te ferait pas de mal de te détendre, pour une fois.
— Je vous ferai un excellent petit déjeuner, demain matin, promet Ambre. Et je dois avoir un maillot qui pourrait vous aller. Ne vous en faites pas pour les détails. Restez, cela ferait vraiment plaisir à Samuel.
Mon regard retourne du côté de Samuel qui sirote son champagne en attendant mon verdict. Est-ce que cela lui ferait vraiment plaisir? Pourquoi?
— Qu’est-ce que tu en penses? Reprend Louis.
Moi? Dormir dans ce château? Me baigner à une heure aussi tardive? Cette fois, c’est sûr… je rêve!
— D’accord, finis-je par accepter.
Chapitre 5
La tête me tourne quand Louis me guide dans ce qui sera notre chambre pour la nuit. En vérité, c’est une chambre d’amis. Louis m’a bien montré celle qu’il occupait quand il habitait ici, mais celle qu’on nous a donné n’a rien à voir. Tout est joli, discret, décoré avec soin. Nous avons un lit qui fait deux fois la taille du mien et même une salle de bain privée.
— On dirait un hôtel, dis-je.
Pendant que je reste postée dans un coin de la pièce, il se jette sur le lit et me fait signe de venir le rejoindre.
— Je suis content. Ça s’est super bien passé.
Ah oui? Il me semble que c’est le cas, en effet, mais ses parents font peut-être semblants? Comment savoir? Lentement, je m’approche et je m’assois doucement sur le rebord du lit, comme si je ne devais rien toucher à cet endroit. Aussitôt, Louis se redresse et vient me serrer contre lui.
— Tu n’es pas contente de dormir dans le château de mes parents? Plaisante-t-il.
Un rire m’échappe.
— Ça m’intimide, je crois.
Sa main contourne ma taille et il va directement caresser mon sein par-dessus ma robe.
— Tu imagines tout ce qu’on peut faire dans un aussi grand lit?
Il m’embrasse dans le cou et je fais mine de le gronder sans repousser ses gestes.
— Tes parents sont tout près!
— Leur chambre est à l’autre bout de l’étage.
Comme pour me convaincre, il cherche à glisser une main sous ma robe, directement entre mes cuisses. Engourdie par l’alcool, je bloque son geste.
— Louis! Pas ici!
— Allez… ça va te détendre! Tu es tellement tendue depuis qu’on est arrivés. Après quoi, on ira prendre un digestif à la piscine. Je ferai quelques longueurs pour que tu puisses admirer mon corps…
Ses doigts écartent franchement ma cuisse, puis entreprennent de me caresser par-dessus ma culotte. Je peine à garder la tête froide. J’ai trop bu. Et j’avoue que j’adore quand Louis me touche ainsi. Il est tellement doué avec ses doigts!
— Oui… laisse-toi aller, chuchote-t-il près de mon oreille.
Il lèche mon lobe, le mordille, puis contourne ma culotte pour venir me branler franchement.
— On ne devrait pas…
— Mais si, m’arrête-t-il.
Je scelle mes lèvres pour m’empêcher de gémir, mais mes cuisses s’ouvrent et je remonte même un pied sur le rebord du lit pour lui faciliter la tâche. Il a raison. Un orgasme va me détendre.
— Continue, le supplié-je.
Quand j’ouvre les yeux sur Louis, il me dévore du regard. Je me sens belle. Désirée.
— Je t’aime, Elsa, dit-il tout bas.
Ma tête bascule vers l’arrière et je me tends en retenant un râle de m’échapper. Je couine en serrant les cuisses autour de sa main pendant qu’il me retient fermement contre lui.
— Tu vois que ça fait du bien? Me taquine-t-il tout bas.
J’expire avec bruit et un sourire béat étire mes lèvres.
— Tu es… un véritable prince charmant.
Ma remarque le fait rire. Pourtant, je commence à croire que c’est le cas. Jamais je ne pouvais espérer trouver un homme aussi parfait. Je vais l’embrasser et je songe même à monter sur lui pour le rendre fou à mon tour quand on cogne doucement à la porte. Aussitôt, je sursaute, en panique, et je redescends rapidement ma robe.
— Elsa? J’ai apporté quelques maillots de bain qui pourraient vous faire.
Je rougis violemment pendant que Louis étouffe un rire. Il est le premier à se lever et à ouvrir la porte pour récupérer les vêtements.
— On arrive dans dix minutes, maman.
Dès qu’il referme, je sens ma respiration se faire difficile.
— Elle nous entendu, tu crois?
Il dépose les vêtements sur le rebord de la commode et revient vers moi pour m’embrasser tendrement.
— Elle saura que je ne suis pas gai, plaisante-t-il.
Parce que j’ai rapidement descendu mes jambes, il les remonte et me repousse plus loin sur le lit avant de me recouvrir de son corps. En quelques gestes, il défait le devant de son pantalon et je bredouille :
— Mais… tes parents…
— Chut.
Il me pénètre lentement avant de fermer les yeux.
— Je serai rapide, me prévient-il, mais je te promets de me reprendre après la piscine.
Je l’observe pendant qu’il se met à me pénétrer à bon rythme. Nous sommes tous les deux vêtus, mais Louis revient souvent écraser ses râles contre ma bouche. Il m’embrasse, gémit, puis il soulève mon bassin pour me prendre plus fermement. Je ferme les yeux, troublée par cet endroit. Par cette soirée. On dirait que je ne suis pas vraiment là. Que c’est une autre que Louis baise.
— Elsa… Oh!
Il s’immobilise pour éjaculer en étouffant un cri, puis reste en suspens au-dessus de moi avant de se retirer. Probablement que je suis engourdie à cause de l’alcool, mais je me sens complètement amorphe. D’un geste, il me fait signe de me relever.
— Essaie les maillots. Je me changer et on ira retrouver mes parents en bas.
Je retrouve aussitôt un peu de bon sens.
— Et s’ils nous ont entendu?
Il se remet à rire.
— Vu le nombre de fois où je les ai entendu, ils n’ont pas intérêt à me faire la morale! Tu peux me croire, ma mère est une experte en cri de jouissance!
Sa confidence me fait rougir et il s’empresse d’ajouter :
— Ne le dis à personne, mais je suis sûr qu’elle en met pour que mon père se sente méga puissant.
Un rire gêné m’échappe. Samuel a l’air musclé et sûr de lui. Peut-être qu’il est aussi doué que son fils en matière de sexe? Quoique… je l’imagine plus rude. Plus déterminé aussi. Troublée par mes réflexions, je m’empresse de me lever pour jeter un œil aux maillots de bain que m’a prêtée Ambre.
Il faut vraiment que je cesse de boire!